« Sur les trois milliards de lettres que représente l’ADN d’un génome, on n’en comprend qu’une petite partie » par le Prof. Guillaume Smits


Capsule, 2018 / vendredi, juin 8th, 2018

1. Pourriez-vous vous présenter ?

Je suis le docteur Guillaume Smits, généticien, avec une longue formation en laboratoire et en recherche. Dernièrement, j’ai travaillé pendant huit ans à l’Hôpital des Enfants Huderf Reine Fabiola comme généticien pédiatrique où j’ai eu l’occasion de rencontrer Mr et Mme Alderweireldt-Verboogen qui ont créé la Fondation 101 Génomes.

2. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le Projet 101 Génomes Marfan ?

Le P101GM est parti de l’idée que – même si aujourd’hui il est facile de diagnostiquer la maladie de Marfan car nous connaissons très bien le gène et des signes cliniques aident à identifier les patients – il est, par contre, difficile de comprendre pourquoi certains patients ont une présentation qui peut être plus sévère que d’autres.

L’idéal serait d’arriver à personnaliser le traitement médicamenteux pour certains patients et à trouver de nouveaux espoirs de médicaments.

Aujourd’hui, le génome est un outil d’une puissance incroyable pour aller chercher l’information manquante et espérer créer de nouvelles connaissances de manière très simple : il suffit de séquencer le génome des patients. Mais il nous faut de nombreux patients.

3. Pourquoi avez-vous accepté de faire partie du Comité scientifique du Projet 101 Génomes Marfan de la Fondation 101 Génomes ?

Là je crois que c’était une évidence : ayant rencontré M. et Mme Alderweireldt-Verboogen en tant que Docteur généticien pour eux, j’ai dû répondre à leurs questions. Ce qui s’est passé très naturellement, c’est que, vu la curiosité des parents, j’ai commencé à passer du temps avec eux pour leur donner les moyens de comprendre la maladie, de comprendre la génétique, de comprendre ce qu’était une maladie rare.

Et ils ont enchainé, ils ont été plus loin dans la compréhension et ils sont partis dans une lecture scientifique très impressionnante. Maintenant, Mr Alderweireldt a une connaissance qui fait qu’il est capable d’écrire des articles scientifiques de revue, de comprendre presque tout ce que font les chercheurs et médecins.

Après Mr et Mme Alderweireldt-Verboogen se sont engagés dans la F101G et c’était une évidence que de les suivre dans leur projet qui j’espère va aller loin et va pouvoir porter le message de l’importance de la connaissance du génome, de l’importance du génome pour les patients avec maladies rares et de l’importance du génome pour amener des espoirs de thérapeutiques personnalisées.

4. En tant que scientifique, qu’attendez-vous du Projet 101 Génomes Marfan ?

En tant que scientifique ou médecin, aujourd’hui, l’avantage du génome entier, c’est qu’il permet d’avoir un seul outil qui fait à la fois le diagnostic clinique et, en même temps, donne une capacité de recherche presque infinie. Sur les trois milliards de lettres que représente l’ADN d’un génome, on n’en comprend qu’une petite partie. C’est comme avoir des télescopes de plus en plus puissants : on se retrouve avec un nombre incroyable de données que les scientifiques et cliniciens vont ensuite pouvoir mettre en perspective, en accumulant des données sur les symptômes des patients, permettant de faire des liens forts entre les variants génomiques, la biologie de la maladie et les phénotypes des patients. Une fois que vous avez le génome du patient, il est présent pendant des années et des années, vous pourrez faire et refaire de la recherche dans leurs trois milliards de bases.

L’avantage du projet P101GM, est qu’un simple séquençage d’un génome de haute qualité permettra des années et des années de recherche dans de très nombreuses directions; la ressource de recherche sera disponible, stable, et tant les scientifiques que les cliniciens pourront l’utiliser. Cette simplicité est la force du projet de la F101G : essayer d’obtenir de l’argent pour séquencer des génomes et les mettre à disposition de manière contrôlée pour les scientifiques ou les cliniciens qui en auraient besoin pour faire progresser la connaissance sur la maladie de Marfan voire peut-être de l’étendre à d’autres types de maladie rares qui pourraient, elles aussi, profiter de la connaissance du génome.

Tout le travail incroyable de Mr et Mme Alderweireldt-Verboogen est d’avoir déjà réussi à mettre autour de la table un très beau consortium de scientifiques belges et français. Ils sont en train de l’étendre aux Pays-Bas, à l’Angleterre à toute l’Europe. En ce qui concerne les génomes, ça donne aussi une connaissance, une visibilité au niveau du grand public. La F101G met en avant la simplicité du génome et la ressource incroyable qu’il représente pour la recherche à venir.

5. Quel est pour vous l’élément clé qui fait que le Projet 101 Génomes Marfan est important pour les patients Marfan ? Et pour les autres maladies rares ?

Le P101GM est le projet pilote de la F101G qui est appelé à faire face pour la première fois à tous les problèmes logistiques, juridiques, politiques, financiers, etc. pour parvenir à mettre autour de la table toutes les différentes forces nécessaires (scientifiques et autres). Tout cela peut être appris grâce à ce projet pilote. Ainsi la F101G aura acquis une connaissance qui lui permettra d’aider beaucoup plus rapidement d’autres projets qui porteraient sur d’autres maladies soit rares soit même un peu plus communes mais qui nécessiteraient aussi de séquencer le génome des patients.

Professeur Guillaume Smits, M.D. PhD
Department of Genetics’ Director, Hôpital Erasme, ULB Center of Human Genetics,
Université Libre de Bruxelles, Brussels, Belgium
(IB)² Interuniversity Institute of Bioinformatics in Brussels, Université Libre de Bruxelles, Brussels, Belgium

 

 

 

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