Lauriane Janssen et la Fondation 101 Génomes


2019 / samedi, mai 2nd, 2020

Cet article a été publié dans n°61 du journal trimestriel « Le Coeur et la main » de l’Association Belge du Syndrome de Marfan asbl.

 

Lauriane Janssen est décédée le 21 novembre à l’âge de 33 ans.

Lauriane était une brillante chercheuse belge qui menait sa carrière à l’University of Oulu en Finlande.

Lauriane était atteinte du syndrome de Marfan et était en première ligne du combat contre cette maladie.

Elle assurait pour le journal « Le Cœur et la main » une recension trimestrielle des publications scientifiques liées au syndrome de Marfan qui était très attendue des spécialistes. Elle était membre du conseil d’administration de l’Association Belge du Syndrome de Marfan, Présidente du réseau Marfan européen (Marfan Europe Network) et contribuait activement au projet 101 Génomes Marfan de la F101G.

Dans le numéro 56 du journal « Le Cœur et la Main » elle avait eu l’occasion d’expliquer pourquoi elle considérait que ce projet est « un sacré coup de pouce pour la recherche consacrée au syndrome de Marfan ».

L’implication de Lauriane, dans le Projet 101 Génomes Marfan débute avant même la création de la Fondation 101 Génomes. C’est en effet avec l’aide de Lauriane que l’article « Actualités du Syndrome de Marfan : Pistes pour de nouvelles thérapies, registre marfan et fonds européens | Inhibition des protéines p38 et NOS2, identification des variants génétiques naturels » a été publié en janvier 2017 dans « Le Cœur et la main » N°50.

C’est cet article qui allait ensuite servir d’embryon au Livre Blanc de la Fondation 101 Génomes auquel Lauriane a également contribué. C’est ce Livre Blanc qui a convaincu de nombreux partenaires de rejoindre l’aventure et c’est ainsi que la Fondation 101 Génomes est née en novembre 2017.

En 2018, c’est encore avec Lauriane qu’a été composé le poster scientifique « The 101 Genomes Marfan Project of the Foundation 101 Génomes » sur lequel elle figure en bonne place et c’est avec Lauriane qu’il a été présenté lors des « posters sessions » destinées aux scientifiques lors du 10ème Symposium international consacré au Syndrome de Marfan. Il ne reste qu’une photo (prise par le Professeur Julie De Backer) de ce moment plein d’espoir que nous vécu ensemble. Je pensais vraiment que nous allions encore en vivre beaucoup d’autres.

De Finlande, elle suivait tous les travaux du comité scientifique dont elle relisait (et nous commentait) les procès-verbaux de réunions. Nous échangions régulièrement à propos d’articles scientifiques consacrés au Syndrome de Marfan. Je me souviens en particulier de sa réaction lorsque nous avons examiné ensemble un article décrivant une expérience chinoise ayant utilisé avec succès une variante de CRISPR-Cas9 (CRISPR-Base Editor) pour modifier un variant pathogénique déclencheur du syndrome de Marfan sur des embryons humains viables. C’était la première fois qu’une expérience de ce type était menée sur des embryons humains viables (dont l’évolution a été interrompue). Sans évoquer les aspects éthiques de la discussion, Lauriane redoutait le principe même de la conduite de telles expériences alors que les interactions entre les gènes étaient encore si mal comprises. Quelques mois plus tard, nous prenions connaissance de l’expérience menée par le Professeur He Jiankui…

Lauriane soutenait que les patients devaient aider les scientifiques en fournissant des données médicales, des informations, de la présence, etc. Mais elle considérait que c’était déjà beaucoup leur demander et qu’il ne fallait pas leur en demander plus en termes d’investissement. Je comprenais bien son point de vue mais il fallait bien que quelqu’un le fasse. Et qui allait le faire alors ? Qui allait se battre pour eux ? Qui aurait la légitimité pour le faire ? Elle répondait : « Vous. Vous les parents, les proches, les amis, vous seuls avez l’énergie nécessaire pour mener ce combat ». Ces mots de Lauriane ont agi comme un révélateur et résonné comme un ordre de mission.

Nous nous sommes retrouvés il y a quelques mois en Norvège à l’occasion d’une rencontre du « Marfan European Network » où elle m’avait invité à présenter notre projet aux associations européennes. C’est à cette occasion que Colette (la fille de Douchka) a pris la photo de Lauriane qui a fait le tour des réseaux sociaux. Avant mon départ, nous nous sommes retrouvés quelques minutes pour « débriefer » le meeting. Je lui ai répété toute mon admiration pour son calme et la patience qu’elle avait eue lors des débats. Elle m’a souri. Elle m’a dit qu’elle n’en pouvait plus, qu’elle voulait que ça avance plus vite, qu’elle était tout aussi impatiente que moi mais qu’elle était fatiguée et qu’elle mesurait chacun de ses efforts. J’ignorais que c’était la dernière fois que nous nous parlions dans ce hall d’hôtel à Drammen devant une machine à café éteinte.

Il y a encore eu quelques échanges d’emails et de messages WhatsApp mais la surprise a été totale lorsque j’ai appris son décès.

Le décès de Lauriane est tragique. Pour les parents et grands-parents d’enfants atteints du syndrome de Marfan, le décès de Lauriane est en plus un horrible rappel à la réalité : le syndrome n’est à l’heure actuelle pas encore suffisamment bien compris et un investissement énorme est encore nécessaire pour espérer pouvoir un jour commencer à le maîtriser.

Nous n’avons aujourd’hui pas d’autre choix que de nous raccrocher aux messages encourageants et de profiter de chaque instant mais il faut impérativement continuer le combat ! Il y a urgence pour nos enfants et il faut agir, il faut avancer vite.

La rigueur, l’intelligence, la finesse, l’humanité et l’humour de Lauriane vont terriblement manquer à tous ceux qui la connaissait.

J’adresse mes plus sincères condoléances à la famille de Lauriane et à ses proches.

Romain

 

 

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