« Un projet pilote qui s’étend à d’autres maladies » par le Dr Verboogen


Capsule, 2018 / vendredi, juin 8th, 2018

1.Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Michel Verboogen, je suis le Président de la F101G et je suis aussi le grand-père d’Aurélien. Dans la vie, je suis médecin spécialiste en psychiatrie.

2. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le Projet 101 Génomes Marfan ?

Le P101GM, c’est un projet qui consiste à comparer des données phénotypiques c’est-à-dire des caractéristiques médicales d’un patient à l’analyse d’un génome, c’est-à-dire toute la carte de gènes disponible chez un individu. Ce qui a d’ailleurs fort avancé dans la recherche actuelle car l’obtention rapide et facile de ces cartes génomiques, c’est un événement assez récent.

3. Pourquoi avez-vous accepté de faire partie du Comité scientifique du Projet 101 Génomes Marfan de la Fondation 101 Génomes ?

Ce n’est pas à titre scientifique que je suis là. Je me souviens très bien du coup de téléphone de Romain quand il m’a demandé de participer à ce travail qu’il allait entreprendre qui me paraissait complètement colossal à ce moment-là mais je m’étais déjà préparé intérieurement, j’avais décidé de répondre oui s’il demandait de l’aide. Je suis surtout là en tant que père et grand-père. Ludivine et Romain ont lancé ce projet que je trouvais et que je trouve toujours fantastique et j’ai dit que j’allais les aider de toute mon âme, de tout mon cœur et de toutes mes forces. C’est comme ça que je me vois dans ce projet. D’ailleurs, ils n’ont pas eu tellement besoin de moi car je les ai vus étudier la génétique, les composantes éthiques et informatiques qui entourent ce projet et j’ai été complètement ébahi par la façon dont ils accumulaient en particulier les connaissances scientifiques.

4. C’est un projet qui vous touche personnellement, quels sont vos attentes et vos espoirs par rapport au Projet 101 Génomes Marfan ?

Évidemment, toute recherche médicale est importante et ici elle est véritablement importante pour nous car elle concerne la famille. J’espère de tout cœur que la recherche va avancer vite. Et je suis plein d’espoir car quand je rencontre les chercheurs et que je vois leur dynamisme et leur enthousiasme, je me dis que ça va donner des résultats assez rapidement. J’espère que la recherche va avancer rapidement pour tous les gens atteints de maladie rares évidement et en particulier pour mon petit-fils.

5. De façon unanime, les personnes interviewées admirent l’énergie investie par Romain et Ludivine dans ce projet. J’imagine que vous le ressentez aussi ?

Leur énergie me stupéfie. Je n’aurais jamais imaginé ça. Au début, quand ils m’ont expliqué ce qu’ils voulaient faire, je me suis dit : « mon dieu, c’est une tâche colossale ! » Puis je les ai vu avancer à leur rythme avec un dynamisme inouï parce qu’il faut savoir que leur fils demande beaucoup de temps aussi, il y a beaucoup de visites médicales, beaucoup de soins à donner. Ils ont trouvé le temps et l’énergie à donner à ce projet.

C’est un projet qui demande beaucoup de connaissance et assez bien d’intelligence car il y a beaucoup de choses à comprendre, médicalement parlant, il y a énormément de choses à comprendre pour pouvoir discuter avec ces scientifiques de haut vol… Et il y a les autres domaines aussi, en dehors du médical, il y a l’éthique, le juridique, l’informatique et puis le financier, il y a tout un combat financier à mener, bien que là j’ai été très agréablement surpris par la générosité de beaucoup de personnes que ce soit à l’endroit où je pratique ou dans des institutions ou dans la famille, tout le monde s’y est mis.

C’est d’ailleurs un proche qui a un peu déclenché le processus. On avait l’idée de lancer le projet et puis quelqu’un, sans avertir personne, a déposé une somme assez importante dans une banque pour le projet. Quand Romain et Ludivine en ont été averti, ils se sont dit que c’était un signal de départ, un déclencheur du projet et qu’il n’y avait plus de temps à perdre !

6. Pour les gens qui ne se rendent pas bien compte de ce qu’est la maladie de Marfan, pourriez-vous expliquer ce que cela implique au jour le jour ?

C’est une maladie qui touche beaucoup de systèmes. Il y a le système cardio-vasculaire qui doit être surveillé très régulièrement en particulier le cœur et surtout l’aorte qui se dilate, donc tous les trois mois, cette dilatation de l’aorte doit être mesurée pour voir s’il n’y a pas une évolution trop rapide.

Chez Aurélien c’est le problème osseux qui est le plus complexe maintenant, il y a le développement d’une scoliose assez importante qui doit être corrigée par des séances de kinésithérapie et toute une série de corsets et de plâtres et aussi plus tard par la chirurgie. La scoliose est telle qu’elle commence à comprimer les poumons et le cœur, donc il faut faire quelque chose.

Il y a les yeux, ce n’est pas le plus grave maintenant, Aurélien doit porter des lunettes avec des verres correcteurs assez importants mais les yeux doivent être surveillés aussi car on peut avoir des déplacements du cristallin plus tard.

Et alors le problème des ligaments aussi, on appelle ça de l’hyperlaxité c’est-à-dire que les ligaments sont trop souples, trop élastiques, ce qui rend l’individu à risque à faire des entorses ou des foulures plus tard. Donc Aurélien porte des bottines qui soutiennent ses chevilles.

Il y a donc beaucoup de soins à donner, il y a du matériel médical à trouver, il y a des avis à demander car c’est une maladie rare donc les médecins ne sont pas forcément familiarisés avec le syndrome de Marfan. Moi, par exemple, je me souviens vaguement l’avoir étudiée aux études mais après on oublie. Il faut vraiment que le hasard vous amène un patient à votre cabinet pour que vous alliez revoir les informations scientifiques sur cette maladie qu’on perd normalement de vue comme dans toutes les maladies rares.

7. Quel est pour vous l’élément clé qui fait que le Projet 101 Génomes Marfan est important pour les patients Marfan ? Et pour les autres maladies rares ?

C’est notre souhait, c’est que cela s’étende à d’autres maladies. Mais ça, ça dépendra du financier et de l’implication éventuelle d’autres associations de patients, si on collecte plus de fonds, on pourrait s’étendre à d’autres maladies puisque ce sont des familles de maladies dont plusieurs concernent le cœur.

Ici, par exemple, à la réunion du Comité scientifique d’aujourd’hui, on parle beaucoup de cardiologie car s’il y a une dissection de l’aorte, on peut avoir une mort subite. Le plus sérieux c’est le suivi cardiaque, les autres problèmes peuvent être suivis de manière plus attentistes. Finalement, je me suis passionné pour ce qui se passe.

En même temps, c’est une histoire triste pour notre famille mais en même temps, c’est une histoire passionnante qui s’ouvre à nous de pouvoir stimuler comme ça la recherche. Et je voudrais bien que cela puisse s’étendre à d’autres maladies rares, c’est mon souhait le plus cher, que cela puisse être un projet pilote qui s’étende à d’autres maladies et à d’autres pays.

En tout cas, comme c’est parti, c’est parti sur des chapeaux de roues, ça c’est sûr, ça a été étonnamment vite et ça, ça me réjouit. Mais il y a de la complexité scientifique, juridique, le consentement, la complexité informatique et financière car cela demande du travail de contacter les gens, de se faire connaître pour récolter des fonds. Tout cela, Romain et Ludivine l’ont très bien fait, ils n’hésitent pas à entrer en contact avec beaucoup de monde, à impliquer beaucoup de monde, ils osent aller parler, ils osent aller chercher haut. Leur audace dans ce domaine force mon admiration aussi.

8. Avez-vous une conclusion à ajouter ?

Je suis optimiste pour trois raisons par rapport à ce projet :

  1. Le dynamisme et l’enthousiasme non seulement des porteurs du projet mais aussi des chercheurs qui se sont associés à nous. Et je les remercie beaucoup d’ailleurs car ils sont là, et bien là, ils viennent de Paris et de plusieurs universités belges.
  2. On est dans l’air du temps avec le génome: depuis que je suis entré dans ce monde grâce à la Fondation, je me rends compte que dans les journaux scientifiques et même dans les médias, on parle beaucoup du génome et qu’il y a des projets un peu partout dans le monde, en Angleterre, à Dubaï, en Islande, etc. Je vois que ça bouge beaucoup.
  3. La générosité que je rencontre, de grosses structures, de moyennes structures et individuelles.

 

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