« Les maladies génétiques ne sont pas invincibles » par Peter O’Donnell et Alisa Herrero


2018 / jeudi, octobre 18th, 2018

Les maladies génétiques ne sont pas invincibles

Chaque jour, la communauté scientifique découvre de nouvelles approches pour combattre les maladies congénitales. Une initiative belge se met en place pour développer une approche innovante qui contribuera grandement à cet objectif.

Jusqu’il y a peu, les personnes atteintes d’une maladie génétique ne pouvaient pas faire beaucoup plus que tenter d’atténuer les symptômes avec des traitements palliatifs. Naître avec un désordre génétique est pour beaucoup de personnes une destinée offrant peu d’espoir de lutte efficace contre les progrès de la maladie.

Le syndrome de Marfan est une maladie génétique rare. Elle est provoquée par une mutation, survenue au hasard, du gène responsable de la production de la fibrilline. La fibrilline est une composante clé du tissu conjonctif ; elle fait fonction de colle entre les cellules, et donne forme et force aux tissus du corps. Cette mutation mène généralement à une croissance trop rapide du squelette, à des problèmes de vision, de problèmes respiratoires, ainsi qu’à une dégénérescence progressive du cœur.

Plusieurs équipes de recherche réputées travaillent à travers le monde pour comprendre pourquoi les effets du syndrome de Marfan varient tellement d’une personne à l’autre : alors que certaines personnes sont sévèrement atteintes, d’autres ne présentent que peu de symptômes.

La découverte de ce Saint Graal pour le syndrome de Marfan offre une perspective réaliste pour améliorer la vie de millions de personnes atteintes de cette maladie génétique.

Mais qu’est-ce qui est particulier à cette approche ?

La clé pour libérer ce potentiel est la récente percée dans la compréhension du génome humain – les relations complexes entre les millions de gènes que chaque individu porte et qui dictent en grande partie le comportement du corps de chaque personne.

Les chercheurs intensifient désormais leur nouvelle capacité à « voir » à l’intérieur du génome. En alliant la science à de puissants programmes informatiques, ils peuvent à présent identifier avec une clarté sans précédent quelles mutations génétiques causent le plus souvent une maladie génétique.

Grâce aux outils génétiques traditionnels, il y a déjà à l’heure actuelle plus de 3000 mutations différentes observées chez les patients Marfan. La localisation et le type de mutation peuvent dans certains cas donner certaines indications sur la gravité de la maladie.

L’intérêt de la nouvelle approche de la génomique humaine est la potentialité de pouvoir faire la lumière sur la raison pour laquelle une mutation identique (présente par exemple chez plusieurs membres d’une même famille) n’affecte pas les individus de la même manière.

Comment contre-attaquer ?

Les nouveaux outils génomique et la big data ont permis de découvrir que certains individus ne souffrent pas des effets d’une maladie génétique, alors qu’ils sont pourtant porteurs d’une mutation génétique caractéristique considérée comme étant à l’origine de cette maladie.

Ces personnes sont, semble-t-il, immunisées. Alors que tout indique qu’ils sont atteints d’une maladie génétique, quelque chose d’autre dans leur patrimoine génétique – c’est-à-dire dans leur génome – contrebalance la défaillance du gène pathogène dont ils sont porteurs. Un ou plusieurs autres gènes modifient les effets nocifs de la mutation pathogène et rétablissent leur fonction physiologique à un niveau d’équilibre normal. La science a inventé un terme pour désigner ces gènes modificateurs : « gènes de super-héros ».

De nouvelles opportunités

Cette découverte a ouvert la porte à tout un monde de nouvelles opportunités.

Il était déjà possible d’identifier, grâce à la génétique, la mutation qui provoque une maladie génétique. Mais s’il devient désormais possible, grâce à la génomique, d’identifier aussi les « gènes de super-héros », qui neutralisent ou contrecarrent l’impact des gènes pathogènes, il sera alors peut-être possible d’utiliser ce savoir pour améliorer le traitement d’autres patients.

À plus long terme, cette approche pourrait révolutionner le traitement d’un grand nombre de maladies génétiques qui limitent la vie de centaines de milliers, voire de millions de personnes en Europe et dans le monde entier.

Que se passe-t-il pour faire avancer les choses ?

Fin 2017, un projet innovant a démarré en Belgique pour exploiter le potentiel de cette hypothèse.

À l’origine du projet se trouvent les parents du petit Aurélien, âgé de deux ans et demi, atteint de la maladie de Marfan. Plongés dans les lectures scientifiques sur cette maladie, ils découvrent le potentiel de la génomique dans le traitement des maladies génétiques. Au terme de nombreuses discussions et rencontres avec les chercheurs du monde entier, Romain et Ludivine décident de créer la « Fondation 101 Génomes » pour soutenir une idée innovante : la création d’une base de données qui combinerait des données génomiques avec des données sur la condition physique des malades de Marfan.

Une fois réalisée, la base de données pourrait permettre deux énormes avancées scientifiques. Premièrement, cela permettrait d’identifier les « gènes de super-héros » qui protègent certaines personnes contre les conséquences négatives d’une mutation pathogène responsable du syndrome de Marfan. Deuxièmement, cela permettrait de développer des nouvelles thérapies permettant de répliquer les effets des gènes de « super-héros » et ainsi de personnaliser le traitement des personnes atteintes du syndrome de Marfan.

L’idée suscite un intérêt croissant dans la communauté scientifique spécialisée dans le syndrome de Marfan. Des chercheurs réputés en Belgique et en France ont formé un Comité scientifique qui réunit les Professeurs Anne De Paepe, Julie De Backer, Paul Coucke, Marjolijn Renard (UZGENT), Bart Loeys et Aline Verstraeten (UZA), Guillaume Jondeau et Catherine Boileau (Hôpital Bichat) et le docteur Guillaume Smits (HUDERF).

Ces chercheurs se sont réunis pour définir ensemble quelles seraient les meilleures stratégies pour établir cette plateforme de données, comment recueillir et analyser les données des patients. Les équipes de recherche sont prêtes à démarrer.

Prochaine étape : réunir le budget

Pour mener à bien cette idée prometteuse et excitante reste à surmonter un défi : recueillir 1 million d’euros pour établir et alimenter la base de données pendant les dix prochaines années. Ce budget couvrira les coûts du séquençage des patients, ainsi que le stockage et la mise à disposition des données, ce qui permettra aux scientifiques de progresser dans leur recherche et leurs efforts pour découvrir ces fameux gènes de « super-héros », et par conséquent mieux cibler le traitement des maladies génétiques.

Comment cette initiative sert-elle la cause des malades de Marfan ?

On estime statistiquement qu’une personne sur cinq mille souffre de la maladie de Marfan. En Belgique, il y a donc environ 2000 personnes atteintes. Dans le monde, près de 2 millions de personnes souffrent du syndrome de Marfan.

En outre, la base de données de F101G pourrait permettre de développer une méthodologie applicable à d’autres syndromes génétiques. La F101G pourrait ainsi être considéré comme un projet pilote porteur d’un énorme potentiel : celui d’améliorer les vies des 700.000 patients atteints d’une maladie rare en Belgique, 30 millions en Europe, et 350 millions de patients dans le monde entier.

Ce projet est donc porteur d’espoir pour les personnes qui sont atteintes du syndrome de Marfan et potentiellement pour les personnes atteintes d’autres maladies rares.

En mars 2018, RaDiOrg – l’association coupole qui rassemble l’essentiel des associations belges de patients atteints de maladies rares – a décerné à la F101G le prix Edelweiss attribué en récompense d’une contribution unique à un réseau de maladies rares.

Comment apporter votre soutien au projet de la fondation F101G ?

Pour savoir plus sur le Syndrome de Marfan, vous pouvez consulter le site Internet : https://www.marfan.org/ .

Pour plus d’information sur F101G, vous pouvez visiter le site : www.f101g.org.

Si vous voulez faire un don et contribuer à la découverte des « gènes de super-héros » qui protègent certaines personnes contre les effets du Syndrome de Marfan, vous pouvez le faire via la Fondation Roi Baudouin. Toutes les donations sont fiscalement déductibles.

 

Peter O’Donnell[1] et Alisa Herrero[2]

[1]       Monsieur Peter O’Donell, Journaliste.

[2]       Madame Alisa Herrero MSc Development Studies, Master in Political Sciences, Consultant.

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