« Génomique & Algorithmique au service des maladies rares » Interview croisée du Prof. Guillaume Smits et de Romain Alderweireldt


GEMVAP, 2021 / mardi, décembre 29th, 2020

Cette interview a été publiée dans « Le Chaînon – la revue des associations de patients et de proches » de la LUSS, N° 52 en Septembre 2020.

Le Chaînon (LC) : Romain, avec Ludivine Verboogen vous avez créé la Fondation 101 Génomes (F101G) qui a pour but de promouvoir la recherche génomique dans le domaine des maladies rares. Pourquoi avez-vous créé cette fondation ?

Romain Alderweireldt (RA) : Nous avons créé cette fondation car mon fils souffre d’une forme néonatale du syndrome de Marfan. L’espérance de vie statistique des rares cas connus de cette forme de la maladie est d’à peine 16 mois.

C’est dans ce contexte difficile que je me suis intéressé à la recherche génomique et que la F101G a été créée.

LC : Qu’avez-vous appris ?

RA : En examinant une base de données génétiques d’individus en « bonne santé » qui servent de contrôle à la recherche, j’ai découvert que celle-ci contenait de nombreux variants sur le gène FBN1 considérés comme étant des variants «pathogéniques» à l’origine du syndrome de Marfan.

LC : Professeur Guillaume Smits, qu’implique cette observation ?

Guillaume Smits (GS) : La découverte d’individus apparemment en bonne santé (ou chez qui la pénétrance de la maladie est si faible qu’ils ignorent être malades) alors qu’ils arborent des variants pathogéniques permet d’envisager la possibilité qu’ils soient génétiquement protégés même des formes les plus graves du syndrome de Marfan grâce à l’action de ce que l’on appelle un gène protecteur capable de contrecarrer la défaillance du gène FBN1 à l’origine de la maladie.

LC : L’identification de ce mécanisme pourrait-elle permettre de mettre au point de nouveaux traitements ?

GS : Potentiellement, oui. Mais reste à l’identifier au sein du génome, ce qui n’est pas une mince affaire ! Et avant ça, il faut vérifier si les mutations identifiées ne résultent pas d’erreurs de classement.

LC : Comment procéder?

GS : Avec l’(ib)², nous avons élaboré un algorithme de vérification de toutes les mutations imaginables sur le gène FBN1 en utilisant l’intelligence artificielle. Cet outil bio-informatique a confirmé que plusieurs mutations identifiées par Romain sont pathogéniques.

LC : Que faire ensuite ?

GS : L’outil mis en place pourrait déjà être amélioré pour aider au diagnostic du syndrome de Marfan. Si nous pouvions disposer d’accès aux données génomiques de personnes porteuses de mutations pathogéniques chez qui la pénétrance de la maladie est faible, nous pourrions utiliser les outils bio-informatiques développés avec le Professeur Tom Lenaerts pour identifier un éventuel gène protecteur.

Ce gène permettrait d’envisager de nouvelles pistes thérapeutiques qui répliqueraient ses effets protecteurs.

RA : La possibilité que le génome de certaines personnes recèle des clés qui permettent de soigner les enfants qui souffrent de maladies rares a mené à la création de la Fondation 101 Génomes qui s’est donné comme mission de faciliter aux scientifiques l’accès aux génomes de patients atteints de maladies rares.

Par Romain ALDERWEIRELDT, papa d’un petit garçon atteint du syndrome de Marfan, représentant de l’Association Belge du Syndrome de Marfan auprès du VASCERN et fondateur de la Fondation 101 Génomes et par le Professeur Guillaume SMITS, généticien, Directeur du Centre de Génétique Humaine de l’ULB et membre fondateur de l’Institut Interuniversitaire de Bioinformatique de Bruxelles (ib)².

Pour en savoir plus : Fondation 101 Génomes : www.f101g.org | (ib)² : https://ibsquare.be/

 

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